• A propos des Trois cloches...

    A propos des Trois cloches...Les recherches et le hasard, si tant est qu'il y en est un, nous ont permis de découvrir récemment un enregistrement des Trois cloches qui surprend un peu. Et pour cause ! Et pourtant ! Pourtant, c'est sûrement cette version qui a été proposée à Edith PIAF venue en repérage à Lausanne en février ou mars 1946 rendre une petite visite à GILLES dit Jean VILLARD, le poète suisse, dans son nouveau cabaret Au coup de soleil. Il l'avait ouvert après avoir dû quitter un Paris occupé par l'armée allemande où il avait déjà connu une gloire de duettiste avec JULIEN. 

    On entend dans cette version des Trois cloches une seconde voix qui est celle d'un dénommé Albert URFER. Mais qui est Albert URFER ? On a retrouvé très peu de choses à propos de lui sinon qu'il a joué, très tôt, du piano tout en s'intéressant à l'art choral. Mobilisé pendant la guerre, il a ensuite dirigé un petit orchestre militaire. De 1945 à 1951, il jouait à Genève et même, parfois, à l'étranger. De 1953 à 1956, il part à Paris travailler l'art dramatique, jouant pour le théâtre, le cinéma, la télévision et revient en Suisse se produire au Centre dramatique romand. C'est surtout en tant que partenaire et accompagnateur du chansonnier GILLES dit Jean VILLARD durant 25 ans, qu'Albert URFER s'est fait connaître. Une de leurs chansons fétiche est Le Bonheur

    S'il est établi qu'URFER a pris la relève d'Edith BURGER en 1948 dans ce cabaret à Lausanne, il se peut très bien qu'il ait fait "un boeuf" avec GILLES deux ans plus tôt lors de la visite d'Edith PIAF et d'Odette LAURE. D'autant que le texte était prêt depuis quelque temps déjà puisqu'on dit qu'il aurait été écrit en 1939. GILLES s'était inspiré au tout départ d'un chant populaire des vallées des hautes montagnes du canton du Valais. Avant, pour les paroles et ce « Village au fond de la vallée » de s'inspirer de celui de Baume-les-Messieurs, situé dans le Jura, où il s'arrêtera un jour, en route pour Paris. C'est une tombe, celle de François Nicot et non de Jean (1858-1929) et de son épouse Elise, que GILLES apercevra à proximité de l'église du village, qui servira ses desseins. L'auteur changera leurs noms en Jean-François Nicot et en Elise s'aidant au passage, pour trouver les autres paroles, de la Bible et de l'extrait de Saint-Pierre l'Apôtre (1, 24-25).

    La suite de l'histoire est davantage connue mais il n'est pas inutile de la rappeler.

    C'est peu de temps avant la première tournée entreprise en Alsace avec Edith PIAF que les jeunes COMPAGNONS DE LA CHANSON se sont vus soumettre une proposition. « Il vous faut élargir votre répertoire, chanter des chansons d'aujourd'hui et pas des chansons folkloriques, des chansons dans lesquelles les gens pourront se reconnaître, vivre leurs histoires et pleurer avec vous, leur avait-elle dit. Comme celle que Gilles m'a donnée à entendre. On dirait qu'elle a été écrite à votre intention... ». C'est de cette façon qu'Edith PIAF parvint à attirer l'attention des Compagnons sur Les trois cloches même si les réactions très dubitatives des uns et des autres laissaient supposer que certains d'entre eux n'étaient pas convaincus de tenir là le succès qu'Edith appelait de tous ses voeux. Il fallut attendre à la fin de cette tournée en Alsace que Marc HERRAND parvienne, comme il l'a si bien dit dans La route enchantée, à faire sonner les voix de tous les COMPAGNONS DE LA CHANSON comme des cloches pour que l'on prenne conscience du potentiel du titre. Chacun sait quelle carrière firent ensuite Les trois cloches après avoir été consacrées grand succès en France en 1946. Mais que d'anecdotes avec Les trois cloches devenue avec le temps une sorte de chanson mythique... Hubert LANCELOT dans Nous les Compagnons de la Chanson admet même qu'il est arrivé à Fred MELLA, lors de certains tours de chant, de faire mourir Jean-François Nicot avant son mariage et que, lorsqu'Edith leur avait présenté le bébé, Jean-Louis JAUBERT, avec son humour habituel, avait craint que le public ne prenne les Compagnons pour... neuf cloches !

    GILLES dit Jean VILLARD est décédé le 26 mars 1982 à 87 ans. Albert URFER, quant à lui, est mort chez lui à Lausanne, le 29 octobre 1985.

    « L'émission télé Compagnons... Où en sommes-nous ?Pourquoi les Compagnons ont-ils longtemps été neuf ? »

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  • Commentaires

    1
    Bruno
    Samedi 18 Avril 2015 à 09:56

    Bravo Louis..merci pour toutes ces connaissances ,on en apprend tous les jours 


    vous êtes tous formidables,smile

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    2
    Samedi 18 Avril 2015 à 10:06

    Dès que j'ai vu cet extrait vidéo, les vélos se sont mis à tourner. Et puis après il y a eu toute une série de mails avec le guichet du savoir à Lyon...

    J'ai essayé de relayer ta lettre à Drucker sur Google ! On verra bien... Patrick serait fier de toi Bruno !

    3
    duplou
    Dimanche 19 Avril 2015 à 07:59

    Bravo; belle trouvaille !

    4
    marie-jeanne lambert
    Mardi 10 Janvier 2017 à 22:37

    Souvent la légende prend le pas sur la réalité historique... En 1996, page 8, dans le n° 6 du magazine Pays comtois, dont le précédent numéro avait consacré un gros dossier à Baume-les-Messieurs, le journaliste Jean Barthelet publiait Finalement, ça cloche,  rectificatif à propos de la chanson Les Trois Cloches qui aurait été composée à et pour Baume-les-Messieurs. Correspondant du quotidien Le Progrès depuis 1953, il avait un jour vu dans le cimetière de Baume-les-Messieurs la tombe de François Nicot. Il bâtit un papier sans se soucier que la chanson évoquait Jean-François Nicot (et non François Nicot). Il inventa 3 cloches (en joignant celle d'un village voisin), "imaginant le compositeur Jean Villard (alias Gilles) assis sur une pierre tombale, imaginant sa chanson. Cet article a été publié dans Le Progès le 16 février 1970 et il 'na étonné personne. L'histoire était belle. Un lédonien, M. Barnier [...], ami de Jean Villard, qui lui à l'époque était syndic d'un petit village au bord du lac Léman, lui a envoyé la page du journal. Il m'a communiqué quelques jours plus tard sa réponse : " Je ne suis jamais allé dans ce coin du Jura. J'ignore Baume et j'ai fait cette chanson Les Trois Cloches par hasard... chez moi". Nous avons passé un discret rectificatif, mais la légende est restée... La preuve, Jean Villard, propriétaire du (NDLR : célèbre) cabaret Le Lapin à Gilles à Paris, n'a jamais contesté". Ainsi naissent les légendes.. et en 40 ans, elles apparaissent comme des vérités immémoriales .... Combien de villages pourraient-ils se reconnaître dans cette chanson ? Pour en savoir plus :  http://www.meta-jura.org/realisations/baume-les-messieurs-1-121.htm

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