• Vivent les yé-yé ! écrivait en Belgique Jan Maltaverne au début des années 60 !Dès qu'il s'agit de parler des COMPAGNONS DE LA CHANSON, écrivait Jan MALTAVERNE en Belgique, on est plongé dans un bien agréable embarras, embarras qui se résume à peu près à ceci : "Que convient-il d'admirer le plus en eux ? Leur talent ? Leur longévité ? L'entente sacrée qui unit ces neuf garçons ? Le parfait de leurs chansons ? Leur comportement sur scène et dans la vie ? Avouez qu'il est difficile de faire son choix ! Si l'on songe à faire une interview, c'est encore plus compliqué : poser les mêmes questions et avoir à publier les réponses, risque d'entraîner loin...

    Dans ce cas plus précis, il est convenu que l'on peut s'adresser, soit au "Big boss" : Jean-Louis JAUBERT (à gauche en photo avec un admirateur canadien), soit à l'auteur-compositeur : Jean BROUSSOLLE. Ce que nous avons fait.

    - Jean-Louis, dans toutes les formules que les journalistes ont employées pour parler de vous, quelle est celle qui vous a exaspéré le plus ?

    - Une qui a été reprise plusieurs fois : "Les COMPAGNONS DE LA CHANSON, la preuve par neuf du succès !"

    - Pourquoi cela ?

    - Parce que l'on n'a jamais fait la preuve de rien lorsque l'on est artiste et surtout pas celle du succès, car le succès est quelque chose de curieux, de problématique...

    - Si je vous demande : Pourquoi est-ce que les COMPAGNONS sont toujours dans le coup ? Que répondrez-vous ?

    - Je répondrai : Parce qu'ils ont tout fait pour ça et ils l'ont fait d'une façon très simple, en restant ce qu'ils étaient à leurs débuts : insouciants, gais et surtout chaque jour un peu plus passionnés par leur tour de chant car le risque que nous courions, c'était naturellement d'être saturés de la scène, du disque. le succès aussi pouvait nous atteindre, il y en a à qui cela ne réussit pas : alors vous nous imaginez comme une hydre géante à neuf grosses têtes ! Il y a aussi que nous avons toujours fait très attention à ce que nous allions enregistrer, mais pour cela, vous devriez bavarder un peu avec Jean.


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  • A la conquête de l'Amérique... (suite)... Ca lui avait bien réussi, avec Paul Meurisse, les fils de banquier ! Elle n'arrêtait pas, j'en avais les oreilles qui bourdonnaient. Le travail qu'Edith a fait pour la mise en scène des Trois cloches n'a pas été ordinaire. Orchestre et grandes orgues ont donné à cette chanson un décor sonore étonnant. Ca flanquait un choc. Il y avait aussi la présence de cette petite bonne femme si simple, devant ces grands gars, tous habillés pareil (chemise blanche, pantalon bleu de nuit, ceinture haute genre smoking, et qui mêlait sa voix de femme qui a vécu à celle de leur jeunesse. C'était une réussite.

    Et bien, malgré ça, ses chers Compagnons ne marchèrent pas à fond. Ils ne faisaient pas confiance à Edith. Ils chantaient bien, mais ils n'étaient pas dans le coup. Ils manquaient de chaleur. C'est Jean Cocteau, une fois de plus, qui en intervenant a changé la vie d'Edith. D'abord, il leur a dit que c'était très beau. Et les gars ont été soufflés. Mieux, il a écrit dans un article : "C'est un plaisir de les entendre et de l'entendre, mêlée à eux, coulée dans leur cloche de bronze et d'or comme une veine d'agate..."

    Le lendemain, les gars étaient décidés à écouter Edith, à suivre ses conseils. Ils n'ont pas eu tort. Les Trois cloches ont été un succès dans tous les pays du monde. La vente du disque en France a dépassé le million. En Amérique où Jean-François Nicot s'est appelé Jimmy Brown et le disque The Jimmy Brown's song, le premier tirage de soixante mille est parti en trois semaines. Pour eux, Edith ne pouvait plus se gourer. Ils avaient compris qu'elle connaissait les bonnes recettes. Ils lui ont fait confiance et leur répertoire a changé. Edith leur a trouvé une chanson d'André Grassi : La Marie. Puis Moulin rouge de Jacques Larue et Georges Auric... Quand les Tois cloches se sont mises à sonner à toute volée pour annoncer la joie de leur réussite, moi, c'était mon glas qu'elles sonnaient... Gagnant et placé dans le cœur d'Edith, Jean-Louis Jaubert a eu droit à la panoplie complète : chaîne, montre et tout le bataclan. Au milieu de tous ces gars qui avaient tous, plus ou moins, des allures de propriétaire, par procuration, moi, j'avais des airs de cousine pauvre qu'on garde par pitié. Et la pitié, la charité, ça ne m'a jamais plu. Pour Edith, j'aurais fait n'importe quoi. Mais ramper devant ces hommes, ça jamais ! Peut-être que si j'étais devenue une sorte de bonne à tout faire, en plus moche, j'aurais pu rester. Aussi, quand Jean-Louis a dit froidement : "Je ne veux pas d'elle", je n'ai pas fait d'histoires. Ce gars-là, il pouvait vivre à neuf mais pas à trois. Je ne lui en veux pas. Pour lui, certainement qu'il avait raison, que j'étais encombrante ; je ne lui plaisais pas. Alors, j'ai laissé la voie libre et je me suis tirée.

    Un peu plus d'un an plus tard, quand je suis revenue auprès d'elle, Edith m'a raconté la suite. "Momone, ces neuf mecs, c'est comme si j'avais eu mon orchestre à moi. Pas un orchestre qui m'accompagne, mais que je conduis. Toutes ces voix qui sont comme des instruments, c'est formidable ! Au début, je me suis marrée à la maison avec eux. On s'entendait bien. C'était comme si j'avais eu des tas de frères pour s'occuper de moi. J'avais jamais vécu avec des gars comme ça. On se faisait des blagues. J'ai pris de ces fous rires à en avoir mal au ventre...

    Comme elle l'avait fait pour Yves, Edith avait chargé Loulou de s'occuper des Compagnons, de les placer avec elle. ils filaient leur tour en première partie. Elle chantait Les trois cloches avec eux. Et ensuite, elle passait en vedette... " On s'est un peu bagarrés et il en a fait à moitié à sa tête, dit-elle. Alors, j'ai fait ma rentrée parisienne en octobre 1946 sans les Compagnons. C'était bien comme ça. Loulou n'avait pas eu tort. Aux Etats-Unis, les Compagnons passent, ça ne marche pas mal. Pour les Trois cloches, on se fait siffler. J'en étais blanche de désespoir. Personne n'avait pris la précaution de me dire qu'aux U.S.A, c'était mieux que des applaudissements ! Pour mon tour, j'avais gardé ma petite robe. première déception pour les Ricains. ils croyaient que je l'avais mise pour faire aussi simple que mes boy-scouts, une sorte de déguisement, quoi ! Pour eux, une vedette, surtout venant de Paris, la capitale du french-cancan, de Tabarin et du lido, ça devait avoir les moyens de se payer de la plume, des paillettes, de la fourrure. J'ai rien d'une pin-up ! A côté de Rita Hayworth ou de Marlène, faut dire que je faisais pauvre. Je te dis pas ça pour que tu sois bien dans l'ambiance, que tu voies le tableau. Les Compagnons, c'étaient des voix. Qu'on les comprenne ou pas, ça n'avait pas d'importance. ils étaient beaux gars - pas des armoires à glace mais un bon gabarit - une belle présentation. Le public n'avait pas à se casser la tête pour comprendre. Il entendait, c'était joli, ça suffisait. Et moi, je m'amène avec ma petite robe noire, courte, ma coiffure sans style, des cheveux - de la couleur de tout le monde - qui n'accrochaient même pas la lumière, une figure pâle. De loin, je faisais blanche. Jamais, je n'avais été aussi désespérée. Jaubert, lui, il pavoisait. De la presse, il aurait pu m'en refiler sans que ça le gêne. Les French Boys plaisaient. Eux, c'était la France saine, les copains des G.I' s qui nous avaient libérés. Tu vois ça d'ici : Marseillaise et bannière étoilée !... J'ai continué quelques soirs, comme ça, sans moral. Puis, j'ai dit aux Compagnons : Les gars, je me tire. Faut pas être entêté dans notre métier. Je ne plais pas. Salut les potes. La tournée, finissez-la sans moi. Pour vous, c'est du billard. Continuez à rouler dessus et bonne chance ! Je reprends le bateau... C'est comme ça que j'ai divorcé des Compagnons, sans histoires."

     

    Extraits de l'ouvrage PIAF de Simone BERTEAUT réédité en 1993 chez Robert LAFFONT


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  • A la conquête de l'Amérique vu par Edith Piaf (1947)Un reportage paru en Belgique dépeint l'atmosphère des années 1946 et 47 se rapportant à des propos qu'aurait tenus PIAF. Mais selon Simone BERTEAUT dite Momone (photo ci-contre). A l'évidence, cette préparation du départ vers l'Amérique a donné lieu à pas mal de mouvement.

    Neuf gars, ça déplace de l'air. Un bonhomme c'est déjà absorbant, mais quand il faut multiplier tout par neuf, ce n'est pas reposant. Ca fatigue un peu. Surtout qu'on ne multiplie pas le plaisir. Ca, il n'y en a qu'un à la fois qui le donne. Quand j'ai vu débarquer toute cette patrouille, avec ses valises, je n'avais pas envie de rigoler. Qu'est-ce qu'on allait avoir comme salades ! Ils habitaient là sans y habiter. Ils avaient un logement en commun, rue de l'Université. Ca allait et venait. Comme toujours avec Edith, couchait là qui voulait. La nouvelle secrétaire, c'était Yvonne (je crois), une petite gentille. Elle avait les yeux qui lui faisaient le tour de la tête, tellement elle était étonnée. Une maison comme celle-là, elle ne connaissait pas. Elle voulait tout voir, tout comprendre en même temps, mais elle n'y arrivait pas.

    ...Edith était parfaitement heureuse. Sa peau rayonnait comme quand elle était amoureuse. Et, dans la salle de bains, ça y allait le bichonnage et les essais de coiffure ! Le soir, on aurait dit qu'on se serrait autour d'un feu de camp. Ils étaient tous assis en rond autour d'Edith. Il n'y avait pas à s'y tromper : la flamme, c'était bien elle. Elle m'avait dit : "Ecoute-les bien. Tu verras, ils ont tous quelque chose à raconter. Je ne sais pas encore ce que je vais faire d'eux. Il faut d'abord que je les connaisse". Cette technique-là avait fait ses preuves.

    En les écoutant, j'ai appris que Fred, le soliste, était instituteur à Annonay. Du même patelin, il y avait René qui était un peintre devenu ténor (on notera au passage que René n'est arrivé dans le groupe qu'en sept. 1950, ce qui montre quelle est la véracité des confessions recueillies auprès de ladite Momone). Jo, toujours du coin, avait des parents qui fabriquaient du papier, ce qui n'avait rien d'étonnant, c'était la ville qui voulait ça. Le rouquin Albert, de Pessac, dans la Gironde, était un acrobate-illusionniste devenu ténor. Marc, le Strasbourgeois, avait fait la classe d'harmonie au Conservatoire. Guy, la basse, avait un père directeur de banque ; comme Jean-Louis Jaubert, Colmarien qui faisait l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales et qui voulait devenir footballeur professionnel. Enfin, les Lyonnais Gérard et Hubert auraient dû être commerçants.

    Il n'a pas fallu longtemps à Edith pour les juger à sa façon et, pour elle, ils sont devenus Jo le grand, Guy le sale caractère, Paul le nouveau, Albert la tache de soleil, Gérard le marrant, Marc le pianiste, Fred le soliste, Hubert le beau gars et Jean-Louis le manager. Comme ça Momone, disait-elle, je m'y retrouve... Je vais les transformer. Tu vois, quand ils chantent, ils ont encore des culottes courtes, je vais leur apprendre à porter des pantalons.

    C'était bien ce qui me tracassait. lequel était le futur patron ? Il ne pouvait pas y avoir neuf gars à la maison, tous bien balancés, normalement baraqués, sans qu'il y en ait un qui sorte des rangs pour entrer dans les draps d'Edith. J'allais le savoir très vite. mais avant, j'ai vu Edith ramasser, auprès d'eux, un bide. Les petites parlottes style feu de camp, les bonnes parties de rigolade genre louveteaux, les grosses joies de gamins lâchés dans la nature, ça avait un temps... Alors, Edith s'est mise à leur parler boulot. Après tout, ils étaient là pour ça. "Voilà, votre répertoire, il ne vaut pas grand-chose. Avec ça, vous ne dépasserez pas les scènes de province où on a conservé le goût du patronage ! Ca n'ira pas plus loin. J'ai rien à dire contre vos vieilles chansons françaises : Perrine était servante, c'est très chouette. Mais, vous ne l'entendrez pas sifflée dans la rue par le petit télégraphiste. Et sans ça, il n'y a pas de succès."

    Jean-Louis Jaubert, le manager, ne l'a pas laissée continuer. "Ecoute Edith, la goualante des rues, ce n'est pas pour nous. On n'est pas un chanteur, on est une chorale. Il nous faut des morceaux pour orchestre vocal. Et justement, nous, on n'a pas besoin qu'on nous chante dans les rues. On vient nous entendre comme on va au concert". Après les avoir traités de cons, Edith avait décidé qu'elle les transformerai. Il fallait qu'elle y arrive. Si elle s'entêtait comme ça, c'est qu'il y en avait un à son goût ! En attendant, elle râlait ferme. Du côté métier, ils n'avaient pas la cote... En dix minutes, elle réunit tous les gars. "J'ai trouvé une chanson pour vous. Ecoutez :

    Une cloche sonne, sonne,
    Sa voix d'écho en écho,
    Dit au monde qui s'étonne :
    C'est pour Jean-François Nicot !
    C'est pour accueillir une âme...

    Ils se turent et regardèrent Jean-Louis. Celui-là, il commençait à m'énerver avec ses airs de chef, précisa Momone. "Non, Edith. A aucun prix, c'est une niaiserie". Elle leur proposa alors de la travailler ensemble et de la chanter avec eux. Une proposition que Jean-Louis jugea différente. Je voyais bien ce qu'il y avait de différent. Il y avait le nom d'Edith. Et ça, c'était une sacrée locomotive. Je voyais aussi que Jean-Louis allait être le nouveau patron. Elle me parlait trop de lui et il avait trop de qualités ! L'élu, c'était le chef. j'aurais dû le comprendre tout de suite puisqu'elle avait décidé de les transformer. Chaque fois qu'on était seules, elle démarrait à fond : "Momone, comment le trouves-tu ?... Il n'est pas comme les autres... Il est pur... Tu comprends, il n'a pas de passé, il n'a pas traîné partout... Il chante par idéal... Ca m'a plu qu'il refuse de changer son répertoire, pour rester un musicien parmi les autres... La gloire, il s'en fout. Ce qui compte pour lui, c'est de chanter... Et puis, il est beau... Et on sent que c'est un fils de banquier !"

    A SUIVRE

     


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  • Gaston et ses Compagnons, medley cd extraits 17... par jazzgaston

     

    Il aurait été injuste de ne pas évoquer ici le nouveau groupe de GASTON : GASTON ET SES COMPAGNONS ! Avec sa déclinaison Chanson française très jazz ! Une compilation fort réussie mêlant de très grands succès revisités avec cette touche de jazz dont notre ancien COMPAGNON DE LA CHANSON reste friand.


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  • Voici une version des Trois cloches qui n'a pas échappé à notre ami ch'ti Jean-Pierre LECLERCQ ! Qu'il en soit remercié ! En ces temps assez difficiles et même parfois émaillés d'une actualité pas très souriante, expérons que cet extrait vous fera sourire ! En tout cas, nous sommes sûrs que certains de nos amis COMPAGNONS disparus auraient apprécié cette farce olé-olé ! Guy et Gérard les premiers !


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  •  

    19 octobre 2002... souvenirs lyonnais d'inaugurationVous étiez sûrement quelques-uns à y être ce jour-là et vous devez sûrement vous souvenir de cette grande journée. Mais, pour ceux, trop nombreux, qui n'y étaient pas, faute d'avoir été informés par les médias, notre ami Bruno MALLET a pu se procurer un extrait vidéo d'une partie de cette manifestation dont nous avions déjà publié un autre extrait.

    A déguster sans modération !


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  • L'une des plus jolies chansons du team gagnant CALVET/BROUSSOLLE des années soixante des COMPAGNONS DE LA CHANSON. Comme dans Le marchand de bonheur, de très beaux textes venant parfaitement compléter une mélodie due à la maestria de Jean-Pierre CALVET.


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  • Les Ecossais, pour les amateurs de sketches !

     

    L'un des sketches majeurs des COMPAGNONS DE LA CHANSON ! Dû à une composition de Jean BROUSSOLLE avec la complicité, une fois de plus, du regretté Guy BOURGUIGNON qui se sublimera encore un peu plus dans Les perruques.

    Imaginé durant la première tournée américaine à laquelle il participera à partir du printemps 1952, alors qu'il était handicapé à la suite d'une chute de cheval, Jean s’inspirera d’une création antérieure, celle d’Impressions d’Angleterre, une fantaisie créée par Marc HERRAND. Mais il proposera pour clore le sketch un défilé de cornemuses avec tambour et grosse caisse, emmené par un penn sonner ou chef des sonneurs, appelé plus communément tambour-major, que le grand Jo FRACHON personnifiait à merveille. Du cousu main ! 


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  • Le savoir-faire du dénommé Pete de ANGELIS qui aura réalisé quelques succès pour les COMPAGNONS DE LA CHANSON. On regrettera cependant que cette jolie ritournelle soit restée aussi peu connue. Illustrée avec des extraits du reportage de Jacqueline JOUBERT : A bout portant qui donne une idée de ce que pouvait être la semaine des COMPAGNONS.


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  • Un pour neuf, neuf pour un... L'histoire belge du mois

    Les futurs COMPAGNONS DE LA CHANSON en 1945. En avril 1944, ils logeront difficilement boulevard Magenta 

     

    Cet article qui suit repris en italiques, publié en Belgique au début des années soixante, ne colle pas avec ce qui s'était dit par ailleurs lors du premier passage de la jeune troupe de LIEBARD à la Comédie Française. Ce qui montre bien que les COMPAGNONS DE LA CHANSON étaient devenus une sorte de réussite mythique. D'ailleurs, ne dit-on pas dans le même esprit qu'Edith PIAF serait née sur les marches d'un vieil immeuble du XXème arr. de Paris. Ici, il semble bien qu'il y ait eu une confusion avec un spectacle organisé au même moment à l'ABC qui vit les COMPAGNONS livrer une prestation fort décriée. Avant, certes, de trouver le lendemain une consécration durant ce fameux gala organisé par Marie BELL. Ce qui n'enlève rien à l'anecdote et à la vision du comédien Bernard BLIER.

     

    Alors qu'ils ne se produisaient encore que sur des scènes de patronage ou de province, Marie BELL qui fut une de leurs premières admiratrices, les invita à participer d'abord à une grande consécration : La Nuit du Cinéma (1), ensuite à un gala organisé par la SNCF sur la plus classique des scènes parisiennes, celle de la Comédie Française. C'était le rêve devenu réalité, la gloire sur toute la gamme. Dans la fièvre et la faim, ils se préparèrent, trièrent leurs chansons, leurs gestes, leurs mines, au plus fin des tamis. C'était la première fois qu'ils chantaient à Paris, et ce coup d'essai sur une telle scène, dans une telle salle, risquait de devenir un coup de maître. Chacun d'eux, chargé d'une petite valise, où ingénument et orgueilleusement ils avaient écrit sur le couvercle leur nom encore totalement inconnu, les COMPAGNONS (DE LA MUSIQUE futurs COMPAGNONS DE LA CHANSON) se préparait pour le grand jour qui était un grand soir.

    FERNANDEL, arrivé impromptu pour le gala, déclara :

    - Si je passe, je ne peux passer que tout de suite. Je n'ai hélas que très peu de temps !

    Tant mieux se dirent les COMPAGNONS en se frottant les mains, l'ambiance sera ainsi toute chaude, bonne à être cueillie. De fait, FERNANDEL venait, comme on dit dans le métier et dans le Midi, de faire un "malheur", la salle croulant sous les applaudissements. C'est alors qu'entrèrent en scène nos amis, un peu timides, mais tout vaillants, qui commencèrent à entonner Perrine était servante à toute voix et à tout cœur. Mais que se passa-t-il ? Un quidam dans le fond de la salle, tonna un : "Vos gueules !" Imperturbables et croyant avoir mal entendu, nos preux COMPAGNONS poursuivirent ce qui allait bientôt devenir un calvaire. Car à l'insulte avaient répondu, comme un écho de tous les coins de la salle, mille hurlements, imprécations, quolibets. "Ca grince", "Retour à la terre", "Dire qu'ils s'y sont mis à neuf", "Houhouhou" et autres "allez vous cacher, vous faites peur aux rats"... Le chahut devenant émeute, on dut baisser le rideau devant le nez des Compagnons effondrés qui n'eurent même pas le temps de terminer leur chanson. Ils s'enfuirent dans leur loge, poursuivis par la honte et par les cris.

    Un pour neuf, neuf pour un... L'histoire belge du moisC'est là que Bernard BLIER les trouva en larmes ou presque. Il prit la situation en main :

    - Mes enfants, vous avez un pot de tonnerre. Comme démarrage, c'est foudroyant. Non, je ne ris pas. Dans ce métier, il n'y a rien qui porte bonheur comme de rater son départ. On arrive beaucoup plus sûrement.

    Ce qui n'empêcha pas les COMPAGNONS désespérés de s'enfuir par une porte dérobée, en faisant bien attention, cette fois, à ce qu'on ne les reconnaisse pas, de peur de recevoir quelques tomates supplémentaires. Mais B.B ne s'était pas trompé. Le lendemain, passant au Français (2) où ils étaient encore invités à chanter - comme quoi les organisateurs de spectacles ont quelquefois du courage - ils cassèrent tout sauf les oreilles, expression prise dans son sens le plus noble.

     

     

    (1) à Lyon au Pathé-Palace, en présence de Louis SEIGNER, futur doyen de la Comédie Française.

    (2) Ils n'y auraient chanté qu'une fois, juste après une première représentation ratée à l'ABC. Or, dans ce document, il n'est pas question de cette représentation ratée à l'ABC.

     


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